dix-huit mois de recherche-action au sein d’une résidence sociale, artistique et temporaire à Strasbourg

29 ¦ 09 ¦ 2020
Médiations

L'art, un outil de magie-médiation

29 ¦ 09 ¦ 2020 · Médiations Le rôle des pratiques artistiques
En questionnement L'art comme un outil de déviation de la vie quotidienne
Illustration Séance entre Cynthia et les résident·e·s – Cour de l’Odylus, 24 juin 2020
Auteur·e·s Cynthia, artiste en résidence à l’Odylus d’avril 2020 à octobre 2020

 « Oser dire magie, c’est célébrer l’événement en tant que tel, c’est-à-dire le surgissement d’un possible, la sensation qu’a été défait quelque chose qui liait la pensée et la vouait donc à l’impuissance. »
→ extrait de Rêver l’obscur. Femmes, magie et politique, Starhawk
La magie dérange. Elle dérange là où elle évoque une certaine connaissance mystique, fantasmatique ou ésotérique du réel, voire parfois même, une forme éclectique de savoir. Elle inquiète et rend soucieux l’ordre établi ; ses vérités fondamentales et politiquement correctes, que celles-ci soient scientifiques, politiques, idéologiques ou simplement sociales. C’est en cela que la notion de magie m’intéresse, dans toute l’abstraction et la part mythologique qu’elle peut revêtir, dans tout ce qu’elle peut provoquer d’inquiétant, mais aussi dans toute la force de projection et l’imaginaire collectif qu’elle peut déployer.

Pratiquer la magie signifie pragmatiquement agir sur les choses et les esprits. La magie fait référence à des registres de croyance, de dévotion et d’usages pluriels. J’entends alors ici par croyance et dévotion aussi bien une certaine forme de foi ou de piété religieuse qu'un contexte de lutte sociale ou de revendication politique. Souvent véhiculée par les arts, au sens de savoir-faire et d’artisanats vernaculaires, la magie est ancrée dans des contextes d’usages spécifiques, suivant des traditions localisées. En ce sens, la magie trouve des échos avec la notion d’art et dresse un parallèle entre des usages, des savoirs et des manières de faire.

C’est là qu’intervient la notion de rituel, comme une manière de faire singulière et relative à une pratique spécifique. Si les rituels évoquent dans l’imaginaire collectif un agencement cérémonial de gestes et de codes partitionnés selon un rite, une appartenance idéologique et/ou symbolique, la notion même du mot s’éprouve quotidiennement à l’échelle individuelle et collective. Par exemple, en contexte de lutte sociale, les manifestant·e·s ont recours à des techniques de groupe pour formaliser leurs revendications politiques (marche solennelle aux flambeaux devant les pierres de monuments royaux, ronde bon-enfant autour d’une place historique pour faire entrave aux forces de l’ordre, rituel funéraire pour la justice ou cérémonie d’hommage costumée, etc.). Le rituel sert aussi de dispositif dans d’autres contextes institutionnels ou à d’autres échelles de la société civile. Dans les écoles notamment le rituel peut être utilisé comme un dispositif pédagogique et didactique pour générer une cohésion collective ou pour responsabiliser les élèves (système de rôles ou de missions journalières attribuées à chaque enfant d’une classe). Au sein d’une entreprise, les rituels peuvent se manifester à travers des habitudes ou des règles à la fois subjectives et collectives dans une équipe (pause-café, pointage ou systèmes d’indexation administrative). À l’échelle domestique, le rituel peut être envisagé comme une répétition de gestes liés à l’organisation ou à l’agencement du foyer (tâches ménagères, entretien de l’environnement familial, habitudes d’hospitalité etc.). Si le rituel a trait à des conventions collectives ou à des coutumes liées à un environnement social organisé il peut être ainsi identifié sous un prisme subjectif ou singulier à l’intérieur même de ces compositions sociales. C’est le cas notamment du personnel d’entretien de l’Hôtel Chicoutimi avec qui j’ai pu travailler : les femmes de chambre – dites «préposées au confort» – y exercent selon une partition tayloriste très précise leurs tâches d’entretien pour que l’environnement d’accueil soit immaculé à l’arrivée de la clientèle, et qui, par un geste invisible s’accordent un pli de drap, une manipulation furtive, une dérive intentionnelle, à l’intérieur même de cet agencement pré-écrit.  « Les rituels font partie de toute culture. Ils sont les événements qui unissent une culture, qui créent un cœur, un centre, pour un peuple. Le rituel est ce qui évoque le Soi profond d’un groupe. Par le rituel à créer un terrain de rencontre où les gens peuvent partager des sentiments profonds, positifs et négatifs – un lieu où ils peuvent chanter et crier, s’extasier ou hurler (un mouvement d’énergie organisé pour accomplir un but). »
→ extrait de Rêver l’obscur. Femmes, magie et politique, Starhawk
La magie est vernaculaire là où elle se compose essentiellement de ce qui caractérise les personnes qu’elle mobilise, et de ce qui fait l’identité même d’un groupe au sein duquel elle est utilisée. Elle apparaît comme un moyen pour se départir, à la fois symboliquement et formellement, subjectivement et collectivement, d’un environnement et d’une réalité donnée pour la transformer en une autre, émancipatrice.

C'est de cette manière que le rituel peut être relié aux pratiques artistiques socialement engagées (PASE) ou aux formes artistiques pédagogiques qui donnent lieu – depuis le post-minimalisme des années 1960 – à une dimension de la pratique artistique s’éloignant de la forme objet pour tendre vers une éthique et une esthétique relationnelle : discussion, participation, collaboration et co-création, investissant le dialogue et le lien social comme des formes d’arts dialogiques. Ces dispositifs que les artistes mettent en place introduisent d’autres modalités de gestes créatifs en regard la conception de la pratique artistique institutionnelle, là où la pratique artistique socialement engagée (PASE) propose des formes immatérielles visant à créer en communauté en s’intéressant à d’autres champs disciplinaires ou quotidiens n’appartenant pas directement au champ de l’art. La transpédagogie en est l’un des objets ; elle est définie par Pablo Helguera comme une notion mutualisant des processus éducatifs et artistiques entre «art et non-art», considérant l’art à la fois comme éducation et comme pratique sociale. Notion qui trouve un écho avec la notion d’« esthétique relationnelle » développée par Nicolas Bourriaud comme :  « Le domaine des interactions humaines et son contexte social, plutôt que l’affirmation d’un espace symbolique indépendant et privé. »
→ extrait de Esthétiques Relationnelles, Nicolas Bourriaud
Relue par Claire Bishop, cette approche sensible et sociale de la pratique artistique rend dès lors poreuse la limite entre l’art et la vie et remet en jeu tout le paysage familier de l’art-objet et la valeur marchande pouvant lui être associée. À cet endroit je souhaite soulever un point qui me semble signifiant pour les pratiques artistiques socialement engagées vis-à-vis notamment des programmes ou des dispositifs d’accueil dispensés tant par des institutions artistiques que sociales. De la société civile au service public, de l’échelle associative à l’échelle municipale, départementale, régionale, voire nationale, il apparaît que les modalités d’accessibilité mais aussi de gestion en interne, en regard des moyens qui leurs sont mis à disposition, se trouvent souvent régies par des mécanismes de reconnaissance qui favorisent l’accompagnement d’artistes visibles ou déjà identifié·e·s sur un territoire d’usage.

Lorsqu’il s’agit pour les artistes d’intervenir en situation, les dispositifs (résidences-mission, programmes artistiques de résidences pédagogiques, bourses de création, résidences de médiation et autres appels à projets) mis en place pour en accompagner la démarche sont peu nombreux en regard du nombre d’artistes éligibles. Dans cette perspective, d’une part, l’intervention artistique socialement engagée, lorsqu’elle n’est pas commissionnée ou accompagnée par un cadre explicite et rémunérant, doit passer par des chemins négociés pour pouvoir exister ; d’autre part, les structures et organismes d’accueil doivent pouvoir mobiliser des politiques et des formats publics leur permettant de palier ces lacunes. Aussi, l’intervention artistique constitue souvent une programmation parallèle générant peu de communication et ne jouissant pas du même prestige en termes de visibilité au sein de la programmation d’une structure que celui, par exemple, d’une exposition.

Il m’importe ainsi de mentionner par-delà l’offre artistique de programmes et de formats que déploie le paysage de l’art contemporain aujourd'hui, il existe des pratiques artistiques participatives, l’intervention artistique qui se manifeste à l’échelle de la société civile, dans l’espace public, parfois de manière non-commanditée, privilégiant un mode d’accès par le document d’archive de l’action ou du projet à l’exposition de son résultat par sa restitution publique. Aussi, les interventions artistiques qui me permettent d’étayer ce travail tiennent lieu autant de contextes institués tels que les musées, les centres d’art (résidence, workshop, médiation ou intervention), de contextes pédagogiques (périscolaire, intervention artistique auprès d’une école, d’un collège ou d’une université) que de l’espace public (auprès du service de la voirie publique de la ville de Strasbourg) ou de contextes sociaux (centre d’accueil de jour, plateforme d’accueil et de répit, résidence sociale et artistique temporaire pour personnes isolées).

La question que je pose à l’appui de mon travail d'enquête est la suivante : comment la magie, conjuguée à l’intervention artistique socialement engagée et adressée, peut-elle être source d’émancipation ou de transformation lorsqu’elle est engagée dans contexte socialement contraint ?

En considérant que la magie alloue à l’intervention artistique un potentiel transformateur et générateur de pouvoir, elle permet de transgresser les modalités contextuelles d’une réalité contraignante, qu’elle soit de l’ordre d’un travail artistique, social ou vernaculaire. Il s’agit de conjuguer – de manière sensible plutôt que scientifique – certains apports méthodologiques issus notamment des champs de la recherche-action, de la création-recherche, mais aussi de la sociologie, de l’éducation populaire, de la magie, de la pratique militante, de la philosophie, de la pédagogie et de la thérapie à celle de l’intervention artistique.

Dans cette perspective, l’intervention artistique – pour qu’elle puisse faire émerger des dispositifs relationnels et être source d’émancipation – doit pouvoir s’engager en regard d’une efficacité collective, de manière symbolique ou être directement mobilisée : entre ce que j’appellerais l’appropriation symbolique et les typologies attenantes à l’action directe. L’action symbolique mobilise des éléments représentationnels – signe, objet matériel ou formule – identifiables culturellement entre initié·e·s pour produire une action, un geste, et matérialiser une revendication à l’échelle interprétative jouant ainsi des registres de lecture existants attenants à l’environnement dans lequel elle intervient. L’action directe signifie agir directement sur les choses pour produire un effet immédiat et sans entrave, elle constitue une modalité d’action propre aux mouvements activistes non-violents tels que Reclaim the Streets (1995), Black Panther Party (1966) ou encore l’Alliance Abalone (1977).

De la magie à la médiation, de la médiation à l’intervention engagée : la magie (au sens de pratique et forme artistique) et le travail d’intervention (sensible, social, symbolique ou pédagogique) dans l’espace public et avec ses communautés de pratique (usager·ère·s, société civile, groupes constitués ou institutions) trouvent des leviers communs du point de vue de l’implication (dévotion) relationnelle, sensible (intuitive), symbolique (représentative) et rituelle (active) qu’elles requièrent pour transformer une réalité donnée (résistance). Il s’agit d’en expérimenter les dispositifs d’appropriation symbolique, d’émancipation, et de résistance.

Voici dès lors un exemple concret de dispositif d’art-intervention expérimenté via mon travail de résidence à Odylus :

« MAGIE-MÉDIATION,  LA CO-CRÉATION D'UN TAROT DE RECHERCHE ET D'ACTIONS PERFORMATIVES DANS L'ESPACE PUBLIC »

L’enjeu du dispositif d’intervention artistique « Magie-Médiation » est de réaliser un tarot non-divinatoire avec les usager·ère·s de l’Odylus, pour concevoir et expérimenter un jeu de tarot collectif inspiré du tarot divinatoire classique.

Dans le tarot que je propose, il s’agit de partir d’arcanes et de lames déjà existantes, c’est-à-dire d’associations de gestes, de codes et de symboles faisant directement écho aux quotidiens des usager·ère·s. Centré sur la rencontre, en prise avec des lectures subjectives et collectives de l’espace quotidien et de l’objet «carte», il fera dire autre chose que des contingences propres (informelles) contraintes (ou subies) sur lesquelles il s’appuie. Grâce à sa force de projection, le tarot rendra compte d’un ensemble d’interactions symboliques propres à sa communauté d’usages et de pratiques spécifiques, devenant ainsi le prétexte pour une série de déplacements et de jeux performatifs. Le format du tarot ouvrant sur un ensemble de formes, d’expériences et d’appropriations possibles qui alloue à cette proposition de définir collectivement un éventail pluriel d’activations et de significations : séances de lectures collectives intramuros, activation hors les murs, affichage collectif d’impressions numériques d’arcanes et/ou de tirages dans l’enceinte de la résidence d’accueil, publication mise en circulation sous la forme d’une publication.

Un premier temps de rencontre et d’observation est mis en place à distance avec les usager·ère·s de l’Odylus : cette première étape s’est initiée par le biais d’entretiens téléphoniques verbaux et non-verbaux (à partir de langages à base d’emojis, d’images, d’objets, d’espaces, ou de postures engageant indirectement des discussions informelles). J’ai donc proposé différentes affiches accrochées à l’Odylus, sur lesquelles figure à chaque fois un thème qui découle des échanges téléphoniques : le courage, l’espoir, la force, la danse, etc. À chacune des affiches est associée une question : «Qu’est-ce qui te donne de la force ?», «Qu’est-ce qui te fait danser ?», avec la mention de mon numéro de téléphone afin que les résident·e·s puissent me répondre facilement.

Au sortir du confinement, ces échanges ont occasionné différentes formes qui se sont envisagées tant comme des temps de discussions et d’entretiens que des moments informels : repas collectif, fête de retrouvailles, visites guidées à travers la ville, initiation à la fabrication d’objets de papyromancie, réalisation de pendules à partir d’objets quotidiens, partage de différentes pratiques rituelles (sel, sauge, coquillage, os animaux...) etc. Le deuxième temps de création a mêlé les savoir-faire et les approches sensibles par le biais de partages de récits (textuels, visuels et expérientiels) : cette étape a donné lieu à une collaboration à avec Flora Nizard, praticienne de soins chamaniques et spécialiste des arts non-divinatoires.

Cette dernière a été invitée à contribuer activement au déroulement de l’intervention par le biais de repas collectifs, de visites ou de rendez-vous organisés à l’Odylus. Flora Nizard a pu proposer notamment une initiation et un échange autour de la projection virtuelle que permettent les arts non-divinatoires, en conversation avec mon approche de la magie, dans la perspective d’un répertoire de formes, récits, signes, qui constituent les arcanes et symboles des cartes du tarot.
Chacun des arcanes conçus depuis les expériences partagées des participant·e·s incarne ainsi un symbole, matérialisé à travers une carte anonyme.

Une fois réalisées et dans le cadre de la restitution de ma résidence à l'Odylus, les cartes vont venir activer un témoignage, une intention, un discours, une aspiration, un ressenti ou une situation rattachée au quotidien des résident·e·s dans l’espace commun l’Odylus et/ou dans l’espace public sous la forme de gestes performatifs. De cette manière les arcanes mettent en scène tant des récits textuels que des prises de vues photographiques de situations : tâches ménagères, mise en place d’un couchage, recettes ou mélanges de cuisine, déambulations coutumières ou interstitielles, rituels de toilette, habitudes cosmétiques, traditions culinaires, etc.

Elles permettent ainsi de détourner des réalités vécues dans l’intimité ou dans les espaces partagés pour jouer d’un décalage ou leur faire image, par exemple : la préparation d’un café devient le prétexte à une lecture de marc de café ; une balade nocturne pendant le confinement donne lieu à un feu de joie ; un rêve récolté est retranscrit sur une taie d’oreiller, laquelle est ensuite abandonnée dans l’espace public.

L’idée des protocoles performatifs de gestes à assigner permet notamment de se mettre à la place de, ou de s’identifier à, mais aussi de se dédouaner de la responsabilité d’une intention qui se voudrait secrète ou confidentielle. J’ai pu constater qu’il est plus intuitif de proposer une interprétation volontaire d’une situation donnée sans avoir à l’énoncer, que de la faire exister formellement ; comme les arcanes dans le tarot de Marseille sont une manière de projeter une personnification d’une interprétation ou d’une intuition, les cartes que nous dessinons peu à peu constituent une manière d’incarner l’acte et le geste en puisant dans la fortune et la dimension aléatoire du quotidien.

Cet espace relationnel débouche sur une certaine forme de confiance, de complicité voire d’amitié, qui rejoint l’idée de Lacy selon laquelle l’empathie serait «le meilleur des services que l’artiste aurait à offrir» aux autres, mais aussi celle de Flora Nizard selon laquelle l’art serait une forme de travail thérapeutique pour la création d’un bien commun, et la réparation d’une blessure sociétale («le gouvernement est une blessure»). Il ne s’agit pas guérir, ou d’apporter des solutions aux différentes situations contraintes des résident·e·s, mais plutôt de prendre soin de l’altérité et de la rencontre qui s’opère par son biais.

C’est donc par le prisme de la performance qu’il m’est possible de trouver un levier pour expérimenter la notion de magie dans ce contexte précis. La pratique performative alloue au geste une interprétation symbolique là où finalement il s’agit de croire que quelque chose n’est pas ce qu’il est, ou que cette chose fonctionne d’une manière telle, pour que la performance – comme un souhait – se réalise. Aussi, la question du corps, et de l’émotion y est importante, là où une forme d’expressivité spontanée semble opérer une transformation de la réalité à un endroit intangible et souvent indicible. L’art peut transformer la matérialité, et, du point de vue d’une situation concrète et vivante, la transformation se fait psychiquement, et sensiblement.

Les résident·e·s de l’Odylus pour la plupart souhaitent quitter ce lieu dans la vocation de trouver un logement, un travail, ou d’obtenir la citoyenneté française. La réalité juridique qui les ancre au sein de cet espace ne peut pas être transformée de manière pragmatique, mais elle peut être décalée là où chacun·e possède la force de croire ou le désir de changer cette situation.

De cette manière les conversations sont très denses et parfois graves, mais nous comprenons que l’objet de nos échanges n’est pas là, mais bien qu’il réside dans l’imprévisibilité même de notre présence collective et son aspect temporaire. Ainsi je m’appuie de manière attentive et ouverte sur chaque moteur qui peut émerger des rencontres, pour générer et transmettre les récits qui composent nos échanges.

C’est donc la conversation qui génère l’action, et sa motivation qui génère la carte de tarot ; la lecture que l’on en fait est en soi une conversation, qui mène à une action. À l’inverse d’un jeu de cartomancie traditionnel les cartes délivrent des lectures, plutôt que des prédictions. L’enjeu de ces cartes réalisées à partir des récits et expériences partagées avec les participant·e·s est d’initier à la puissance de l’action, dans une logique d’empowerment, puisque dans ce tarot collectif l’action représentée précède la carte et non le contraire. Les cartes se font médiatrices de ces expériences partagées, entre aspiration et contrainte, discussion et négociation, entre signification et interprétation, croyance et incrédulité, entre intuition et vérité. Le tarot collectif en tant que dispositif constitue à la fois un espace d’interaction et un «support à l’intuition».

Plutôt que d’apporter des récits spéculatifs ou introspectifs sur la réalité, les tirages des cartes réalisées avec les résident·e·s se verront transposer, rejouer, modifier et mettre en action des situations à interpréter comme on interprète un tirage ou un texte (situations significatives ou anecdotiques porteuses d’une charge symbolique pour les usager·ère·s), et inviter les participant·e·s à éprouver leurs intensités narratives (forces de projection) de manière ouverte afin de chacun·e puisse trouver l’espace pour s’y identifier, et s’en approprier l’interprétation nouvelle.  ↙

♥ Texte extrait de Magie-MédiationCynthia Montier, Centre de formation pour Plasticiens intervenants, juin 2020